Absente de la carte des sites olympiques, la région Grand Est a tout de même sa part du gâteau. Elle parvient à capter l’« effet JO », entre le passage de la flamme sur l’ensemble de son territoire et l’accueil de prestigieuses délégations étrangères. Reste la délicate question, encore difficile à évaluer et à quantifier, du fameux « héritage utile et durable ».
Comme un air de déjà-vu. Comme en 2016 lors de l’Euro, le Grand Est apparaît comme le grand absent des Jeux olympiques. Pas une seule discipline au programme, nada. À titre de comparaison, le Nord avec Lille et le stade Pierre-Mauroy accueillera des épreuves de basket et de handball pendant que l’Ouest avec Nantes, le Sud-Ouest avec Bordeaux et le Sud-Est avec Nice et Marseille abriteront des rencontres du tournoi de football. Passer cette déception, légitime, force est de reconnaître que la région présidée par Franck Leroy n’est pas en reste dans la célébration de l’événement planétaire le plus regardé, en amont.
Événement dans l’événement, le relais de la flamme, symbole par excellence des Jeux olympiques dits modernes, a parcouru sept de ses dix départements avant l’allumage de la vasque, le 26 juillet, dans le jardin des Tuileries pour la cérémonie d’ouverture : le Haut-Rhin et le Bas-Rhin (26 juin), la Moselle (27 juin), la Haute-Marne (28 juin), la Meuse (29 juin), la Marne (30 juin) et l’Aube (13 juillet). Seuls les Ardennes, la Meurthe-et-Moselle et les Vosges ont préféré s’abstenir, refusant de payer un ticket d’entrée jugé trop onéreux (180 000 euros). « Renoncer à la flamme a été un choix difficile, explique Anthony Caps, vice-président du conseil départemental meurthe-et-mosellan en charge des sports. On s’était montré tout de suite intéressé car nous avons, en plus, un lien avec le symbole des Jeux, la Tour Eiffel – sortie des aciéries de Pompey avec du minerai de Neuves-Maisons – mais la dépense était démesurée pour un passage rapide sur le territoire. On a préféré flécher ces moyens de façon plus durable. » Le choix s’entend en cette période de vaches maigres pour les collectivités. D’autant plus que si le passage de la flamme ressemble à celui du Tour de France avec son lot d’animations, son parcours détaillé et chronométré à la seconde près, son dispositif de sécurité hors norme, l’engouement populaire n’est pas totalement du même niveau, sauf pour Patrick Weiten, l’homme fort de la Moselle « Le passage de la flamme olympique, c’est trois fois le Tour de France qui plus est à la vitesse d’un coureur à pied. Il s’agit d’un moment solennel identifié comme tel à l’échelle nationale. Un moment qu’il faut pouvoir vivre dans une vie et le raconter ».
Patrick Weiten incarne parfaitement la quête de l’« effet JO » pour les collectivités. Une quête qui est clairement une histoire d’hommes et de femmes. De ceux qui ont la passion du sport chevillée au corps et ne veulent pas totalement passer à côté de l’événement. Ancien volleyeur de bon niveau, le président du conseil départemental de la Moselle est l’homme fort des JO sur son territoire. Comme Arnaud Robinet, l’édile de Reims, dans la Marne et… d’autres dans l’Aube. « Dès l’obtention des Jeux olympiques et paralympiques en 2017, toutes les collectivités du territoire se sont mobilisées autour de Philippe Pichery, le président du conseil départemental de l’Aube, François Baroin, le maire de Troyes, et Thierry Mosimann, le préfet de l’Aube de l’époque. François Baroin est un grand fan de sport, notamment de football et de tennis. C’est de notoriété publique. Philippe Pichery a également une histoire personnelle intimement liée avec l’ESTAC puisqu’il a été président de l’association durant treize ans. Ils sont les locomotives de notre démarche collective », explique Frédéric Adam, directeur du Centre Sportif de l’Aube et référent des délégations « Troyes Aube 24 ».
Il n’est donc pas surprenant de voir ces trois départements à la bagarre pour accueillir les meilleures délégations étrangères de la planète. Ils ont été parmi les premiers à décrocher le tant convoité label « Terre de Jeux » et peuvent s’appuyer sur de nombreux centres de préparation aux Jeux (CPJ) pour tirer leur épingle du jeu : 18 en Moselle, 13 dans l’Aube et 8 dans la Marne. Ils en récoltent les fruits puisque la délégation olympique du Burundi, la délégation paralympique d’escrime d’Ukraine, le comité paralympique de la République dominicaine, l’équipe de canoë-kayak d’Irlande, le comité olympique des Philippines et la confédération brésilienne de volley sont attendus en Moselle pour se préparer aux JO. La Marne a, elle, réussi un gros coup en accueillant une partie de l’équipe britannique, notamment les boxeurs, les nageurs ou encore les gymnastes. L’Aube a, de son côté, réussi à séduire la délégation chinoise d’athlétisme, les délégations brésiliennes de gymnastique et paralympique, ainsi que la délégation japonaise d’escalade. Et l’Alsace dans tout ça ? La flamme va surtout briller à Mulhouse où 550 membres de la délégation panaméricaine, dont 370 athlètes, y séjourneront en deux temps, du 14 au 20 juillet (natation, tir à l’arc, badminton, beach-volley, boxe gymnastique, judo, aviron, tir, tennis de table et triathlon), puis à partir du 22 juillet (cyclisme, lutte, canoë-kayak, taekwondo, haltérophilie, pentathlon). « Nous sommes officiellement le plus grand « camp » d’entraînement, car nous recevons la plus grande délégation sportive avec le plus grand nombre d’athlètes », annonce Carole Talleux, la responsable à la mobilisation du territoire pour les Jeux Olympiques 2024 à Mulhouse Alsace Agglomération (m2A).
En aval de ces Jeux Olympiques, il est aussi question du fameux héritage, tant souhaité par Emmanuel Macron, le président de la République. Il est encore trop tôt pour pouvoir l’évaluer, mais Reims a, par exemple, décidé de mettre le paquet sur le sport pour combler son retard au niveau des licenciés. Son maire Arnaud Robinet entend investir 150 millions d’euros sur dix ans pour rénover les principaux équipements sportifs (9 gymnases et 5 piscines) et en développer de nouveaux : une nouvelle patinoire pour près de 50 millions d’euros, un complexe urbain avec un gymnase, des terrains de basket et un city stade ou encore « une plaine des sports » au port Colbert. Dans l’Aube, on a décidé de ne pas attendre les JO pour lancer les grandes manœuvres, puisqu’une salle d’escalade, une hall de gymnastique et une piste de BMX ont dernièrement vu le jour. « Ces équipements n’ont pas été réalisés spécialement pour les délégations, souligne Frédéric Serra, maire adjoint en charge des sports à la Ville de Troyes dans les colonnes du Parisien, mais s’il n’y avait pas eu les Jeux en France, on n’aurait pas fléché autant d’argent public dans le sport. Ils sont d’abord là pour servir le sport local et assurer un héritage après les Jeux. » Pour aussi créer des vocations et accueillir d’autres compétitions internationales dans les années à venir afin que le Grand Est soit enfin reconnu comme une terre de sport.
ARNAUD DEMMERLE