L'escrimeuse alsacienne sera l'une des grandes favorites des prochains Jeux Olympiques. Après l'argent décroché à Tokyo par équipes, elle rêve de devenir la première sabreuse française à remporter une médaille individuelle.
L’éloge de la patience et de la résilience. A bientôt 29 ans, le 3 avril prochain, Sara Balzer récolte le fruit de son travail et de son abnégation. Elle est l’une des reines du sabre mondial depuis deux saisons. La Strasbourgeoise a pris son temps pour arriver au sommet de sa discipline. Elle est pourtant consciencieuse, méticuleuse et appliquée jusqu’au bout de son arme depuis ses débuts. Mais elle n’a pas été épargnée par les déboires et les pépins physiques. En juillet 2017, elle se blesse gravement pour ses premiers Mondiaux. Bien partie pour rallier les quarts de finale au détriment de l’Italienne Irene Vecchi (future médaillée de bronze, ndlr), elle se rompt, sur la piste, les ligaments croisés du genou. La blessure par excellence pour les sportifs de haut niveau. Au-delà des conséquences physiques, c’est, surtout, psychologiquement que l’Alsacienne va payer le plus lourd tribut. « Pendant trois ans, je n’osais pas faire de fente et à l’escrime, c’est un peu compliqué sans fente « , a-t-elle confié dans les colonnes du Figaro. « Il a fallu que j’effectue un gros travail pour réapprendre à ne pas avoir peur d’attaquer, à avoir confiance dans mon genou. D’autant plus que je n’avais sans doute pas fait la meilleure rééducation que j’aurais pu faire. »
Touchée, mais pas coulée, Sara Balzer va mettre toutes les chances de son côté pour (re)trouver le devant de la scène, sans brûler les étapes. Elle collabore avec une préparatrice mentale de l’INSEP, d’abord Anaëlle Malherbe, puis Cecilia Delage. Un apport positif, aussi bien en tant qu’athlète que femme. « Elles m’ont apporté énormément d’outils pour mieux gérer certaines situations que je rencontrais, comme la pression par exemple. J’ai toujours aimé ce travail d’introspection, d’apprendre qui on est, comment on est, pourquoi on est comme ça. J’étais curieuse de cela. Ce sont des domaines qui m’intéressent beaucoup. On ne peut pas faire ce travail et gérer cela très bien seul mais je trouve cela plus rapide et efficace avec quelqu’un. »
Qualifiée pour les Jeux Olympiques de Tokyo en tant que remplaçante, elle contribue à la très belle médaille d’argent par équipes, décrochée avec Manon Brunet, Cécilia Berder et Charlotte Lembach. Mais Sara Balzer n’est pas du genre à jouer les seconds rôles et ne se contente pas de cette accessit collectif. A force de travail et de détermination, elle se forge un palmarès en individuel. En 2022-2023, elle réalise de loin sa meilleure saison : vice-championne d’Europe à Plovdiv, elle collectionne les victoires en Coupe du Monde à Saint-Nicolas (Belgique) et à Batumi (Géorgie). « Ma première victoire en Belgique est survenue dans un contexte assez exceptionnel. Cela faisait trois semaines que cela n’allait pas du tout. J’étais en train d’effectuer un gros travail sur le plan psychologique et en arrivant là-bas, j’avais pour seul objectif de m’amuser et de prendre du plaisir sans savoir où cela me mènerait. Et puis finalement j’ai produit une très belle escrime, j’étais vraiment dans le jeu. C’était au final l’une des plus belles compétitions de ma carrière aussi bien dans la manière que dans la tête. C’était un accomplissement important car je savais que je pouvais le faire, mais encore fallait-il y parvenir. Cela a boosté ma confiance pour la suite », explique l’actuel numéro 1 mondiale.
Cette saison, Sara Balzer était repartie sur les mêmes bases avec une nouvelle victoire sur le circuit international à Alger (Algérie), puis une troisième place à Orléans. Mais elle a dû s’arrêter pendant deux mois à cause d’une blessure à la hanche. De quoi la couper dans son élan ? Absolument pas. Pour son retour à la compétition, le 2 mars dernier, l’Alsacienne a écrasé la concurrence et marqué les esprits en remportant la Coupe du Monde d’Athènes (Grèce), dominant notamment sa grande rivale hexagonale Manon Apithy-Brunet lors d’une demi-finale à couper le souffle (15-14). « J’arrive avec une meilleure mentalité sur les compétitions, ce qui me permet de mieux m’exprimer sur la piste et de prendre plus de plaisir. Et en prenant du plaisir, cela se passe bien. C’est sans doute là que se situe la principale évolution pour moi. Derrière, un cercle vertueux s’est mis en place, mon niveau a augmenté, ma confiance aussi et les résultats positifs se sont enchaînés. Maintenant, il faut continuer à travailler pour entretenir cette dynamique et faire encore mieux. », admet-elle.
Sara Balzer sera logiquement très attendue, le 29 juillet prochain, au Grand Palais de Paris. Comme l’an dernier aux Mondiaux de Milan… où elle avait été éliminée dès les quarts de finale par la Bulgare Yoana Ilieva (8-15). Une déconvenue qui pourrait lui servir pour ces Jeux Olympiques à la maison. La compétition s’annonce aussi ouverte que féroce entre la Japonaise Misaki Emura, double championne du monde en titre, les Grecques Theodóra Gkountoúra et Déspina Georgiádou, les autres Françaises dont Manon Apithy-Brunet, sans doubler les athlètes russes, autorisées à participer sous bannière neutre. En 2021, à Tokyo, Sofia Pozdniakova avait remporté l’or dans les deux épreuves de sabre (équipes et individuel), réalisant la même prouesse que sa compatriote Yana Egorian, sacrée à Rio (2016). « Je ne me vois pas différemment d’avant. Je ne me colle pas une étiquette de favorite. Je laisse cela aux autres. Je me concentre que sur moi et mon escrime. » Un état d’esprit positif qui pourrait la faire entrer dans le Panthéon de son sport. On croise les doigts.
Arnaud Demmerlé