En Lorraine, les Jeux olympiques de Paris ne suscitent pas le même engouement politique. Le président du Département de la Moselle Patrick Weiten est persuadé que les retombées économiques et l’attractivité générée par l’événement sportif planétaire sont incontournables. En Meurthe-et-Moselle, les priorités sont ailleurs. Des visions diamétralement opposées.
Le 26 juillet 2024, date du début des Jeux olympiques de Paris 2024, les projecteurs seront braqués sur la capitale. Selon le Centre de droit et d’économie du sport de Limoges, l’événement sportif planétaire générera entre 5 et 10 milliards d’euros de retombées économiques et attirera plus de 16 millions de touristes qui dépenseront entre 1,5 et 3,5 milliards d’euros. En plus d’une visibilité sans nulle autre pareille, les chiffres liés aux JO ont de quoi donner le tournis. Mais comment les collectivités lorraines se saisissent-elles des Jeux olympiques de Paris ? De façon très différente selon les territoires.
En Moselle, Patrick Weiten, le président du Département a fait de ces Jeux l’un des axes majeurs de sa politique. La Moselle a fait partie des 17 premiers départements estampillés « Terre de Jeux ». À partir de là, le Département a pu dérouler : dans le budget 2024 voté le 1er février dernier, 3,3 millions d’euros (sur le milliard prévu pour cet exercice) sont consacrés à la mise en place d’actions développées dans le cadre du label « Terre de Jeux ».
Mais c’est aussi sur le terrain que Patrick Weiten a su faire des Jeux olympiques une opportunité. 30 sites ont ainsi été reconnus et identifiés comme ayant les équipements nécessaires pour accueillir les délégations de chaque pays. La piscine de Forbach, le stand de tir à Cattenom, les installations de gymnastique à Fameck, les Arènes de Metz pour le volley-ball font partie des heureux élus. Et surtout la cité des sports, de la jeunesse et de la sécurité civile Academos à Verny. 4,5 hectares, 11 000 mètres carrés de bâtiments, 70 hébergements… Academos est un ambitieux projet à 12 millions d’euros imaginé et porté par le Département.
Avec cette politique, la Moselle bénéficie de lieux emblématiques. Et ça plaît. « Nous avons intégré le grand catalogue des JO qui a été envoyé aux fédérations sportives de 220 pays. Ce qui nous a permis de recevoir des candidatures de délégations étrangères souhaitant profiter de nos installations. Là encore, notre position transfrontalière a joué : elle permet aux sportifs de se frotter à des équipes françaises, belges, luxembourgeoises et allemandes », se réjouit Patrick Weiten.
« Tout ça ne se joue pas sur un coup. C’est une application de chaque instant. Nous travaillons sur les équipements, mais aussi sur la logistique pour accueillir les sportifs. Il faut prévoir des bus pour leurs déplacements. Concernant l’hôtellerie, nous devons être en capacité de leur proposer des repas adaptés à leur statut d’athlète », reprend Patrick Weiten. Un travail de fourmi qui permet aujourd’hui à la Moselle d’accueillir l’ensemble des délégations philippines, les fédérations de volley-ball brésiliennes (masculine, féminine et de beach-volley), de natation bolivienne, de gymnastique danoise qui viennent ou viendront régulièrement sur le territoire pour se préparer à l’événement planétaire. Vous voulez d’autres exemples ? La délégation olympique du Burundi, celle paralympique d’escrime d’Ukraine, le comité paralympique de la République dominicaine, l’équipe de canoë-kayak d’Irlande… Au total, ce sont plus de 350 sportifs et accompagnateurs qui profiteront de la capitale mosellane. Certains sont déjà conquis, et voient plus loin. Les volleyeurs brésiliens aimeraient, selon Patrick Weiten, créer leur centre Europe en Moselle.
Et alors, après avoir sué sur les parquets et équipements mosellans, les sportifs génèrent de l’attractivité au niveau local. Il y a celle qui relève de l’impalpable. « La presse en parle », pointe Patrick Weiten. Celle qui relève du prestige : parce qu’avoir des champions sur son territoire, à l’image du Philippin Ernest John Obiena, qui a remporté la médaille d’argent lors des derniers mondiaux de saut à la perche en août dernier, attise immanquablement la curiosité : des spectateurs viennent les regarder s’entraîner, jouer des rencontres amicales avec parfois des clubs professionnels de la région… « L’équipe de France de volley-ball viendra peut-être chez nous afin d’y affronter celle du Brésil », illustre Patrick Weiten. Et ça suscite des vocations, et ça remplit les associations sportives. Et puis, il y a la valeur chiffrée, plus pragmatique et quantifiable : en début d’année, la présence des délégations étrangères a permis de générer 4 000 nuitées ainsi que 7 000 repas. « Le territoire est désormais une destination olympique reconnue comme telle par le Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo), par les fédérations sportives françaises, par le Comité national olympique et sportif (CNOSF) et par les délégations étrangères. »
En Moselle, le coup de projecteur était prévu pour le 27 juin : c’est à cette date que la flamme olympique a traversé le territoire, ce qui n’était plus arrivé depuis 1948. Un instant de gloire pour le département avec la mise en avant de la maison Robert Schuman à Scy-Chazelles, du site verrier de Meisenthal ou de Forbach, Sarreguemines, Yutz, Thionville et Metz. Pour ça, le département n’a pas regardé à l’économie : Les 180 000 euros demandés par le Cojo pour le passage de la flamme n’ont pas été un obstacle. Pour Patrick Weiten, « ils rapporteront bien plus ». Au total, selon les prévisions, 1,2 milliard de téléspectateurs verront le passage de la flamme qui traversera 60 départements et 25 millions de spectateurs se rendront physiquement sur place afin d’admirer le spectacle. « En Moselle c’était impressionnant. J’ai invité les 40 000 collégiens de la Moselle à venir sur le parcours. La Sarre, la Rhénanie-Palatinat et le Luxembourg étaient particulièrement intéressés pour participer à la fête. Sans compter les Nancéiens… C’est le genre de journée que l’on ne connaît qu’une fois dans sa vie. » Les Nancéiens ? Oui, la flamme et son passage ou non sur les territoires incarnent la différence de perception qu’il existe entre la Moselle et la Meurthe-et-Moselle, car à 50 kilomètres du bureau de Patrick Weiten, son homologue meurthe-et-mosellane, Chaynesse Khirouni a dit non à la flamme. Trop cher, trop éphémère, pas la priorité. C’est en résumé l’argumentaire de la socialiste qui préfère concentrer ses forces sur les missions premières de son institution, sur ses priorités et elles sont nombreuses. Depuis janvier 2020, la Meurthe-et-Moselle est bien labellisée Terre de Jeux mais elle n’en fait pas toute une histoire, encore moins la ligne de force d’une politique. « Le sport pour tous » : c’est là qu’elle place le cursus.
Deux visions diamétralement opposées. Encore plus palpable lorsque l’on sait que Patrick Weiten, présent le 8 mai dernier à Marseille lors de l’arrivée de la flamme en France en tant qu’élu au comité d’administration du Cojo, dispose d’une aura nationale concernant ces Jeux olympiques.« Je représente les 103 départements dont les présidents et responsables m’identifient désormais. » Un poste chronophage, puisque le président du Département se rend au Cojo à Paris une fois par semaine afin de rencontrer les ministères, les services de la Ville de Paris, les représentants des Villes et Régions de France ainsi que les athlètes olympiques et paralympiques.
« Nous avons intégré le grand catalogue des JO qui a été envoyé aux fédérations sportives de 220 pays. Ce qui nous a permis de recevoir des candidatures de délégations étrangères souhaitant profiter de nos installations. »
Par Jonathan Nenich